Les premières études de l’effet de l’hypnose sur le cerveau ont débuté dans les années 40 et ont mis en évidence la différence entre la transe hypnotique et le sommeil. Sous hypnose, un patient va présenter sur son électro-encéphalogramme des rythmes lents nommés alpha. Ils sont retrouvés lors d’un état d’éveil calme. L’hypnose et le sommeil sont dès lors différenciés scientifiquement.
Ensuite, dans les années 90, les techniques d’imagerie telles que l’IRMf (imagerie par résonance magnétique fonctionnelle) et la TEP (tomographie par émission de positons) ont permis de mettre en lumière l’activité cérébrale particulière lors de la transe sous hypnose.
Plusieurs auteurs se sont intéressés à ce sujet, en particulier M-E Faymonville (anesthésiste-réanimateur dirigeant depuis 2004, le Centre de la douleur et médecin référent, à l’Équipe Mobile de Soins Palliatifs du C.H.U. de Liège) et P. Rainville (professeur, Département de stomatologie, Faculté de médecine dentaire, Université de Montréal et Directeur du laboratoire de recherche en neuropsychologie de la douleur du Centre de recherche de l’institut universitaire de gériatrie de Montréal). Ils ont rédigé de nombreux articles auxquels nous nous référons pour certains.
Les activations cérébrales sous hypnose :
Tout d’abord, en 1999, l’équipe de M-E Faymonville en utilisant la TEP va décrire la distribution du flux sanguin cérébral dans les différentes régions du cerveau sous hypnose.
Lorsque des souvenirs agréables sont remémorés, plusieurs zones principalement du côté gauche sont activées durant la transe hypnotique ainsi que quelques régions du côté droit.
La même année, une étude réalisée par P. Rainville décrit les zones cérébrales actives sous hypnose. L’activation du cortex cingulaire antérieur et du cortex préfrontal laissent penser que l’attention du sujet est conservée. Mais la désactivation du précuneus notamment (impliqué dans le processus conscient) laisse entendre que le sujet est en état de conscience modifiée.
En 2004, Rainville publie un article décrivant l’activité cérébrale sous hypnose en dissociant différentes phases. Celles-ci sont la relaxation, l’absorption mentale (=capacité à être complètement impliqué dans l’expérience) et l’automaticité (= la perte de la sensation d’être complétement maître de ses actes). L’observation montre des modulations de l’activité cérébrale selon les phases.
La « réalité » de l’expérience vécue sous hypnose :
Au CHU de Liège, l’activité cérébrale de volontaires a été mesurée sous hypnose et en conscience habituelle alors qu’on demandait aux volontaires de penser à leurs vacances dans les deux expériences. Cette comparaison a montré que sous hypnose, les volontaires activent des régions occipitales (comme s’ils voyaient réellement alors que les yeux sont fermés), des régions pariétales (comme s’ils ressentaient des sensations alors qu’ils sont couchés immobiles sur la table de scanner) et la région précentrale (comme s’ils bougeaient réellement).
Subjectivement, les volontaires rapportaient que, sous hypnose, ils avaient réellement l’impression de « revivre » ces moments agréables alors que pendant la remémoration d’événements agréables en conscience habituelle, ils se « souviennent » des images de ces moments agréables.
La suggestibilité constatée en imagerie :
Chez les clients ayant un fort degré de suggestibilité, les connexions fonctionnelles sont meilleures entre le cortex préfrontal dorsolatéral gauche (impliqué dans les processus de contrôle de l’exécution) et le réseau neuronal comprenant le cortex cingulaire antérieur et la partie antérieure de l’insula (jouant un rôle dans la détection, l’intégration et le filtrage des informations émotionnelles).
Il a aussi été remarqué des différences anatomiques entres les sujets hautement et faiblement hypnotisables. Chez les premiers, le rostrum du corpus callosum (ce dernier assure le transfert d’informations entre les deux hémisphères du cerveau et ainsi leur coordination) est plus développé que chez les sujets peu hypnotisables.
La douleur :
La douleur est un ensemble complexe, une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à une lésion tissulaire potentielle ou réelle. C’est une expérience subjective par excellence.
L’hypnose est aussi utilisée pour soulager la douleur chronique et aigue. En effet, de nombreuses études viennent confirmer l’effet bénéfique de cette méthode dans la prise en charge des patients qui souffrent de douleurs, avec une diminution en moyenne de celle-ci. Le traitement par l’hypnose permet aussi de réduire les effets secondaires indésirables.
Une analyse effectuée en 2003 par TEP grâce à l’équipe de Faymonville met en avant que sous hypnose, et en présence d’un stimuli douloureux, les sujets présentent un changement au niveau des connexions neuronales. Sous hypnose, le réseau neuronal engagé est beaucoup plus important. Il relie le cortex cingulaire moyen (partie spécifique du cortex cingulaire antérieur) à de nombreux neurones corticaux et sous-corticaux.
En 2008, l’équipe de Faymonville développe des hypothèses sur l’augmentation de cette connectivité responsable de la diminution de la douleur. Cette dernière est liée à l’activité de la partie ventrale du cortex cingulaire antérieur qui apparait comme une zone essentielle dans la modulation de la perception de la douleur.
L’hypothèse de l’équipe est que l’hypnose engendrerait un blocage de la communication entre l’activité corticale et sous-corticale provoquant une diminution subjective de la douleur.
Par ailleurs, le processus hypnotique modulerait non seulement la composante affectivo-émotionnelle, mais aussi la composante sensori-discriminative d’une douleur.
Conclusion :
Les principales équipes de chercheurs ne se focalisent pas sur les mêmes caractéristiques de l’hypnose ce qui rend la comparaison des aires cérébrales actives sous hypnose compliquée.
Néanmoins, concernant la douleur, l’imagerie cérébrale a permis de mettre en évidence les centres cérébraux principaux. Les dernières recherches sur la diminution de nociception sous hypnose s’accordent sur la place prépondérante du cortex cingulaire antérieur grâce à la modulation de son activité. Ces études scientifiques viennent confirmer la légitimité de l’hypnose. Pour autant, des questions restent encore sans réponse à ce jour du point de vue des neurosciences. En particulier, comment des mots peuvent-ils entrainer des modifications cérébrales ?
Sources :
Lettre des neurosciences n°48 – printemps été 2015
Thèse “La neuro-imagerie au service de la “neuro-phénoménologie ” de l’hypnose. Étude de l’effet anti-nociceptif – 2016”